VILLE
C’est dans la ville que j’ai ouvert pour la première fois mon ventre. Couchée par terre dans une rue quelconque les dents mordues à une trace de pneus sur l’asphalte. C’est dans la ville que j’ai compris pour la première fois le double.
L’humanité de la face cachée couleur monoxyde de carbonisé. C’est là que j’ai entendu pour la première fois le cri des âmes de fer le chant des cœurs de métal.
Et la ville ouvre ses doigts laisse passer mes cuisses jusqu’aux oreilles. Mes hanches trépassent entre les bâtisses mes seins deviennent coulisses.
La ville cache des langues fourches des hommes des femmes et des enfants dans des cachots de bois dans des tuniques de peines.
C’est dans la ville que j’ai marché pour la première fois sur la pointe des sens. J’ai léché les fenêtres grasses j’ai flatté les trottoirs farouches. C’est dans la ville que j’ai appris à compter l’air qui respirait dans ma bouche les quartiers de lune en épingle sur les cordes à linge.
C’est la ville qui m’accueille à berceau ouvert à reprisure de civilisation.
C’est dans la ville que je transpose le temps et que j’écarte les yeux de reconnaissance.
20 avril 1987